Stéphane Bonzon | Compétences, Carrières & Talents

Entrepreneuriat : l’offre de sens des startups technologiques

Dans le contexte d’incertitude du travail et de la carrière où l’entrepreneuriat peut être vu comme un moyen de redonner du sens à sa trajectoire professionnelle, les startups technologiques, et leur proposition de changer le monde, pourraient composer un projet entrepreneurial particulier et une offre de sens à nulle autre pareille.

Entrepreneuriat, sens et startups

Dans un précédent article, j’évoquais l’opportunité de construction de sens que peut représenter l’entrepreneuriat en tant qu’il constitue un projet d’entreprise au service d’un projet d’entrepreneur.

L’entrepreneuriat n’est pas obligatoirement technologique et n’induit pas nécessairement la création de startups. Le sens lié au projet entrepreneurial peut exister en dehors de ces deux dimensions, dans d’autres secteurs et formes d’activités et de manières diverses, comme le montrent certains auteurs (voir par exemple 1 ; 2). Le sens conféré à l’expérience entrepreneuriale y apparaît alors comme la possibilité de relier un projet à sa vie (1).

Le sens relié à l’acte d’entreprendre peut être vu comme « une dynamique d’alignement entre ce que je suis par mes valeurs et mes croyances et ce que je fais à travers ce que j’entreprends ».

(Brasseur, 2012, p. 87)

Ceci étant dit, dans la mesure où le sens que revêt l’action s’élabore à l’articulation de l’individu et de la culture (4), les startups technologiques constituent un projet entrepreneurial particulier étant donné la prégnance de l’idéologie technicienne et les attentes liées aux développements technologiques dans nos sociétés contemporaines (5).

Startups et mythe technologique

Dans son livre La nouvelle servitude volontaire, Vion-Dury explique en effet que nos sociétés puisent le renouvèlement de leur projet sociétal aux sources des courants idéologiques qui traversent la Silicon Valley depuis les années 1970. Or, ceux-ci présentent la technologie comme le moyen de penser et de créer le présent et le futur de nos civilisations. La Vallée est ainsi considérée comme « un catalyseur dans l’émergence d’un nouveau modèle de société » (p. 196).

« La science et les technologies, […] [produits de l’imaginaire du progrès technique], deviennent les premières forces de transformation du monde et de la société ».

(Vion-Dury, 2016, p. 201)

Pour l’auteur, l’utopie technocratique, qui conçoit la société comme une machine améliorable, remplace les politiciens par les techniciens afin de régler techniquement et scientifiquement les problèmes. Ceci « alors que la politique traverse une crise sans précédent dans l’histoire occidentale moderne » (p. 198).

Dans ce contexte, l’essor de l’entrepreneuriat est sans précédent parmi les jeunes générations et l’engagement y est au moins aussi puissant que la désaffection pour la sphère politique (6).

« Après les grands mouvements politiques du XXème siècle, la startup apparaît pour certains comme un moyen plus sûr d’imprimer sa marque sur le monde ».

(Buquet et al., 2017, p. 107)

Startups tech et sens

Pour Buquet et al. (2017), créer une startup, c’est réparer les imperfections de la société, voire sauver le monde. Ainsi , « l’entrepreneur apparaît comme un thaumaturge qui veut changer le monde, au moins au niveau de son domaine d’activités […] [et pour qui] c’est par de nouvelles entreprises comme la [sienne] que les problèmes du monde pourront être résolus » (p. 107).

Partant, la figure de l’entrepreneur de startup technologique devient incontournable. Comment en effet passer à côté de celui qui crée son emploi et celui des autres en même temps qu’il apporte sa touche à la transformation du monde grâce à l’innovation.

Pour peu qu’on adhère à cet imaginaire collectif, l’offre de sens que compose l’entrepreneuriat technologique pour les individus désireux de réinventer leur carrière et leur parcours de vie pourrait bien avoir quelque chose d’unique.

Stéphane Bonzon

Références

(1) Hernandez, E. M. (2006). Extension du domaine de l’entrepreneur… et limites. La Revue des sciences de gestion, 3, 17-26.

(2) Bernard, M. J., & Barbosa, S. D. (2016). Résilience et entrepreneuriat : Une approche dynamique et biographique de l’acte d’entreprendre. M@n@gement, 19(2), 89-123.

(3) Brasseur, M. (2012). L’entrepreneuriat des seniors comme quête existentielle. Revue française de gestion, 8, 81-94.

(4) Boesch, E. E. (2001). Symbolic action theory in cultural psychology. Culture & Psychology, 7(4), 479-483.

(5) Vion-Dury, P. (2016). La nouvelle servitude volontaire. Enquête sur le projet politique de la Silicon Valley. FYP éditions.

(6) Buquet, R., Luca, N., & Bouilloud, J. P. (2017). Malaise dans les start-up. Entre désir héroïque et anxiété créatrice. Nouvelle revue de psychosociologie, 2, 93-111.

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