Grâce à l’effectuation, développer un état d’esprit et des compétences d’entrepreneur pour valoriser votre singularité et créer petit à petit votre oeuvre constitue le plus sûr moyen pour développer votre carrière dans le contexte global d’incertitude du travail et de l’emploi qui pousse chacun à la réinvention permanente.
Valoriser le travail humain à l’ère numérique grâce à l’effectuation
De nombreux bouleversements induits par les innovations technologiques et la transformation numérique en particulier changent les individus et les organisations, tout comme la relation mutuelle qu’ils entretiennent sur le plan du travail et de l’emploi.
Entre risques et opportunités, les questions sont nombreuses concernant le potentiel de ces technologies en termes de création, de transformation, de déplacement et de destruction du travail et de l’emploi.
Pour l’instant, le travail occupe toujours une place prépondérante chez les individus. L’ère numérique pourrait d’ailleurs constituer une opportunité de concentrer le travail humain sur tout ce qui n’est pas programmable (1) et offrir à ceux qui le souhaitent de réinvestir la dimension artisanale de leur activité (2) tout en permettant à la multitude de proposer de la valeur au monde à travers les réseaux (3). Philosophie de l’action, l’effectuation peut aider chacun à opérer ce renversement.
Rivaliser avec les algorithmes et l’IA grâce aux softs skills
Dans un contexte de travail où la force de l’humain tient notamment dans sa capacité à faire face à l’imprévisible, la valeur ajoutée humaine repose toujours davantage sur les soft skills (4).
La communication, l’empathie, la résilience, l’imagination et la créativité, mais aussi la capacité à réaliser un travail en profondeur (5) comptent parmi les atouts pour trouver une place aux côtés des algorithmes et de l’IA. Ceci que ce soit pour travailler avec les machines dans une relation complémentaire, ou indépendamment d’elles.
Face à la nécessité toujours grandissante pour les entreprises d’innover et de créer de la valeur pour assurer leur existence, créer dans son travail est devenu aussi important que la production l’était dans l’ère industrielle. Or aujourd’hui, faire la différence revient à miser sur ce dont les machines sont incapables. Le développement des carrières doit tenir compte d’un tel contexte.
Devenir entrepreneur de sa carrière pour agir dans l’incertitude
Face à une tendance à l’hybridation du travail salarié et du travail indépendant qui ne suppose plus de choisir entre l’un et l’autre, l’individu est de plus en plus amené à développer un état d’esprit et des compétences d’entrepreneur pour construire et développer sa trajectoire professionnelle (6).
Ainsi, devenir entrepreneur de sa carrière ne signifie pas nécessairement créer son entreprise. Entendu comme une manière de penser et d’agir « comme les entrepreneurs », développer un état d’esprit et des compétences d’entrepreneur, c’est développer sa capacité d’agir dans l’incertitude.
Selon la littérature sur le sujet, les entrepreneurs sont même les champions de l’agir dans l’incertitude, car ils savent en tirer parti pour transformer l’environnement à leur avantage (7;8).
Créer son travail plutôt que le trouver
Ainsi, développer sa carrière comme un entrepreneur revient bien davantage à créer son travail plutôt qu’à le trouver. A ceux qui considèrent que l’employabilité est encore un enjeu, proposons de la remplacer par une notion traduisant la capacité à se créer sa propre activité sur la base de la valorisation de sa singularité. Ceci indépendamment de la forme que cette activité pourrait prendre.
En effet, l’entrepreneuriat au sens de création d’entreprise n’est pas la seule forme d’expression de l’agir entrepreneurial. La création d’un nouveau poste, le jobcrafting, les projets internes, l’intrapreneuriat tout comme les side-projects figurent parmi d’autres options tout aussi pertinentes pour créer et proposer de la valeur.
A titre d’illustration, dans un tel contexte, la candidature spontanée se transforme et ne vise plus automatiquement l’emploi comme objectif. Elle devient création et proposition d’une valeur dont l’expression peut varier dans sa forme en fonction d’attributs personnels et contingents.
Transformer son environnement à la manière de l’entrepreneur
Pour réussir ce passage à une posture de créateur de valeur, l’individu doit transformer son environnement à la manière de l’entrepreneur. La logique d’action effectuale, appelée plus simplement effectuation, dans laquelle les buts émergent à partir des moyens, permet d’opérer cette transformation (7;8).
En proposant à l’individu de se demander quel prochain but peut être fixé étant donné les ressources dont il dispose, l’effectuation semble être l’approche la plus indiquée pour questionner ce que l’individu peut faire et pour qui le faire en fonction de sa configuration unique d’expériences, de connaissances et de compétences.
Atout indéniable pour le développement individuel et organisationnel, l’effectuation compose tout à la fois un état d’esprit, une posture face au monde et des compétences uniques pour agir et donner du sens à ses actions.
Devenir entrepreneur de sa carrière grâce à l’effectuation et créer son oeuvre
Dans l’économie de la connaissance, devenir entrepreneur de sa carrière apparaît indispensable, et l’effectuation formidablement adaptée à la création de valeur en offrant à chacun de créer petit à petit son oeuvre, inaugurant ainsi l’ère de la « carrière effectuale ».
A ce titre, les propositions qui composent cet article ne concernent pas que le développement des carrières de publics privilégiés qui surfent avec aisance sur le marché du travail, mais répondent aussi à des préoccupations d’insertion et de ré-insertion de professionnels issus de divers secteurs vulnérables.
Stéphane Bonzon
Références
(1) Supiot, A. (2019). Le travail n’est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIe siècle. Collège de France.
(2) Vitaud, L. (2019). Du labeur à l’ouvrage. Calmann-Lévy.
(3) Colin, N., & Verdier, H. (2015). L’âge de la multitude-2e éd.: Entreprendre et gouverner après la révolution numérique. Armand Colin.
(4) Evéquoz, G. (2019). La carrière professionnelle 4.0 : tendances et opportunités. Genève : Slatkine.
(5) Newport, C. (2016). Deep work: Rules for focused success in a distracted world. Hachette UK.
(6) Coste, J. H. (2018). À la lisière de deux mondes: l’entrepreneur «hybride». Entreprendre Innover, (2), 36-54.
(7) Sarasvathy, S. D. (2001). What makes entrepreneurs entrepreneurial?.
(8) Silberzahn, P. (2020). Effectuation: Les principes de l’entrepreneuriat pour tous. Pearson.
